Le Compendium Starling — In Focus entretien avec Peter Routledge, surintendant

Discours -

Cette interview a été publiée dans le Compendium Starling 2022, mai 2022. (anglais seulement)

La pandémie de coronavirus a entraîné un recadrage des priorités en matière de réglementation. Par exemple, on se préoccupe davantage de la résilience des entreprises et de la gouvernance des risques dans le contexte du travail en mode hybride. Selon vous, quels changements à l’origine du recadrage des priorités persisteront dans l’avenir? Quelles autres priorités prévoyez-vous que cela favorisera?

Nos priorités en tant qu’organisme de réglementation découlent d’abord et avant tout de notre mandat, qui est d’accroître la confiance du grand public dans le système financier canadien. Pour réaliser ce mandat, nous devons continuellement surveiller et évaluer les risques à court et à long terme et réagir en conséquence.

À l’apparition de la COVID-19, les organismes de réglementation financière et les gouvernements de partout dans le monde ont pris des mesures exceptionnelles pour réduire les risques financiers qui pesaient sur les institutions financières (tensions sur les liquidités, défauts de paiement sur prêts hypothécaires, etc.) afin d’assurer la résilience du système financier. Ces mesures ont été assez efficaces en règle générale, mais n’ont pu englober tous les risques émergents en pleine pandémie.

Au-delà des risques financiers et opérationnels traditionnels liés à la pandémie de COVID-19, des changements sociétaux de grande ampleur sont apparus clairement. Je veux dire par là une conscientisation plus grande de la population des enjeux et des risques liés aux facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), aussi bien au Canada qu’à l’étranger. Plusieurs événements nationaux et internationaux — le meurtre de George Floyd aux États-Unis, la découverte de fosses communes à proximité d’anciens pensionnats au Canada, et le mouvement « #moiaussi » à travers le monde — ont directement influé sur la façon dont les institutions réglementées par le BSIF ont abordé la composante sociale des risques liés aux facteurs ESG.

Le tissu social du Canada est unique en son genre, car sa population est très diversifiée et multiculturelle en raison principalement d’une forte immigration issue des quatre coins du globe. Les institutions financières actives au Canada, à titre d’exemple, doivent non seulement avoir une approche et un modèle d’affaires qui tiennent compte de la diversité, de l’équité et de l’inclusion, mais aussi intégrer ces valeurs à leurs pratiques et à leur culture. Cela est essentiel au succès des entreprises au Canada, car les clients et les employés de ces institutions financières s’attendent à ce qu’elles prennent des engagements évidents en matière de diversité, d’équité et d’inclusion.

Au cours de la dernière année, on a insisté sur la nécessité de communiquer des informations à propos des facteurs ESG. À ce jour, une grande partie de cette démarche a été axée sur la communication d’informations en matière d’environnement et d’intérêt social. Pensez-vous qu’en 2022 on va s’intéresser davantage à la communication d’informations en matière de gouvernance? Si c’est le cas, sur quels sujets ces informations devraient-elles porter?

Les actionnaires, les consommateurs et les employés veulent soutenir les entreprises dont les valeurs ressemblent aux leurs. L’augmentation de la communication d’informations en matière d’environnement et d’intérêt social permet aux gens de mieux comprendre les conséquences éthiques et environnementales de leurs investissements et de leurs opérations financières.

L’obligation des conseils d’administration de rendre des comptes et leur responsabilité en matière de supervision de la stratégie, de l’innovation et de la création de valeur demeurent un aspect crucial de notre activité de surveillance. Faire avancer la communication d’informations en fait de gouvernance afin de suivre la demande croissante du marché pour plus de transparence est un travail de longue haleine.

Le projet de ligne directrice du BSIF sur la culture, que nous espérons publier d’ici la fin de cette année, traitera des informations connexes à fournir à l’appui d’objectifs prudentiels. Les meneurs sont les porte-étendards de la culture d’une entreprise : ils façonnent et renforcent les comportements et les mentalités dans l’ensemble de l’entreprise. La communication d’informations encourage la responsabilisation au sujet de mesures, de décisions et de normes qui sont censées traduire le but et les valeurs de l’entreprise. La communication d’informations claires, crédibles et comparables nous permet de prêter une attention soutenue aux changements systémiques et de les suivre de près.

La proportionnalité est également un facteur important à prendre en considération lorsqu’il s’agit de traiter avec des institutions financières de taille et de complexité diverses, car il n’y a pas moyen de déterminer s’il y a bel et bien réussite ou échec pour bon nombre des informations à fournir en constante évolution.

Je pense que la préoccupation première des institutions financières est de répondre aux attentes de leurs actionnaires et du grand public, lesquels s’attendent à pouvoir compter sur des informations meilleures et plus nombreuses. Le BSIF est heureux d’appuyer des travaux qui permettent à tous les acteurs du marché de prendre de décisions plus avisées en fonction du risque, mais le rythme et l’issue de cette communication d’informations ne se trouvent pas seulement dans les mains du BSIF.

Vous avez dit que vous étiez fermement déterminés à travailler sur la diversité. Selon vous, comment cela aidera-t-il le BSIF à atteindre ses objectifs concrètement? La diversité des institutions que vous supervisez sera-t-elle une priorité de l’activité de surveillance? Certains ont fait savoir que la diversité était simplement une statistique qui ne tient pas compte dans la même mesure de l’inclusion et de l’équité. Qu’en pensez-vous?

La diversité n’est pas seulement une question de cible ni une simple obligation morale. C’est aussi un impératif stratégique, car elle permet aux entreprises d’être plus résilientes, de composer avec le changement et de prendre de meilleures décisions. À notre avis, pour soutenir la diversité, il faut forcément reconnaître les talents et leur donner les moyens de s’épanouir, et ainsi tirer parti d’un éventail plus large de points de vue.

L’environnement de risque actuel regorge de questions complexes et changeantes et nous pousse à mieux comprendre les risques et leurs conséquences. Les décisions à ce sujet en souffrent lorsqu’on restreint l’éventail des sources de savoir à même d’atténuer ces risques. En tant qu’organisme fédéral de réglementation financière du Canada, nous devons nous responsabiliser et chercher à atteindre des normes plus strictes en matière de diversité.

Le plan directeur du BSIF, publié en décembre 2021, indique que la culture est un élément clé de la réussite de notre transformation organisationnelle et que le besoin stratégique de diversité est au cœur de cette culture.

Pour profiter réellement de la diversité, nous devons instaurer une culture d’égalité et d’inclusion. L’acceptation de nos différences constitue le fondement d’une telle culture et passe par l’apprentissage collectif, la croissance personnelle et le changement de comportement.

Cela est facile à dire, mais c’est parfois difficile à mettre en pratique. C’est pourquoi notre approche reconnaît la nécessité d’assurer la sécurité psychologique des employés en instaurant une culture où personne ne craint la différence et l’erreur. Nous devons mettre en doute nos propres hypothèses et préjugés et reconnaître que nous avons tous des points faibles. Si nous bâtissons une organisation qui cherche à tirer le meilleur parti de ses gens, nous serons mieux en mesure de remplir notre mandat.

Dans une lettre de décembre 2021 destinée aux institutions financières fédérales, le BSIF a annoncé son intention de publier un document de consultation sur le risque lié à la culture et le risque d’atteinte à la réputation. Qu’est-ce qui vous a incité à entreprendre cette démarche et où espérez-vous qu’elle vous mènera?

Nous avons pris conscience de l’avantage stratégique de la diversité. Nous considérons la culture et la diversité comme faisant partie intégrante de la dotation en personnel des conseils d’administration des institutions financières et nous examinons comment cette diversité se reflète dans le reste de l’organisation.

Au Canada, la composition des conseils d’administration des institutions financières est devenue plus diversifiée, et c’est tout à fait louable. Toutefois, nous nous demandons pourquoi chez ces mêmes institutions nous n’observons pas une tendance aussi marquée dans le cas de la haute direction. Étant donné que c’est le conseil d’administration qui est ultimement responsable de la culture d’une institution, ce sont là des questions qui devraient être à l’esprit des conseils d’administration des institutions financières réglementées par le BSIF.

La Division des risques liés à la culture et à la conformité a dirigé l’élaboration de notre approche en matière de surveillance de la culture, afin de mieux comprendre comment les institutions évaluent et gèrent leurs risques comportementaux et d’assurer la promotion efficace de la culture souhaitée.

Dans la taxonomie de la culture que nous avons créée, la diversité des points de vue, le leadership et la dynamique de groupe sont des exemples de domaines où nous pouvons commencer à évaluer l’efficacité des pratiques en la matière. Plus tard, nous examinerons de plus près les structures de rémunération des cadres supérieurs et les mesures connexes pour soutenir et renforcer une culture d’intégrité et de gestion efficace du risque à tous les échelons.

Nous prévoyons publier ce printemps une lettre d’information sectorielle sur la culture. Dans cette lettre, le BSIF se propose de soumettre à consultation avant la fin de l’année un projet de consignes sur la gestion du risque lié à la culture, qui mettra l’accent sur l’obtention de résultats.

Enfin, comme vous occupez ce poste depuis peu, vous pouvez peut-être nous en dire un peu plus sur ce qui vous a conduit à travailler pour le BSIF. Pouvez-vous nous dire ce que vous avez appris depuis que vous exercez la fonction de surintendant? Y a-t-il d’autres choses que vous aimeriez nous dire?

Pendant les 25 premières années de ma carrière, je n’ai jamais cessé de ressentir un appel vers la fonction publique et j’ai fini par y répondre il y a cinq ans. Le poste que j’occupe aujourd’hui exige un leadership transformationnel au sein d’une entreprise qui jusqu’ici a été extrêmement prospère. J’ai été plus soulagé que surpris de trouver chez mes collègues une envie et un désir communs pour un environnement de risque transformateur.

Le plus grand risque qui pèse sur un organisme de réglementation dans la réalisation de son mandat est de ne pas agir ou d’agir trop lentement. Les coûts et les conséquences de l’inaction peuvent miner notre crédibilité, la confiance du grand public ainsi que la stabilité financière que nous cherchons à assurer.

La réglementation financière prudentielle s’est souvent faite loin des projecteurs de la politique publique. Bien des questions, comme les changements climatiques, la numérisation et le logement au Canada font tous les jours la une des médias et sont débattus sur la place publique. Ces débats gagneraient à prendre en compte le point de vue du BSIF. Nous sommes constamment à la recherche de meilleures façons de communiquer et d’intéresser la population sur ces questions et d’autres dossiers.

La réalisation de notre mandat restera toujours au cœur de nos préoccupations. Pour ce faire, il faudra forcément prendre des décisions difficiles à propos de certaines institutions financières et faire des choix en matière de politique publique générale qui ne seront pas toujours populaires ou faciles à comprendre pour le grand public. Nous devons toutefois faire preuve de leadership pour assurer la solidité et la santé du système financier. M. Peter Routledge est surintendant des institutions financières du Canada. Auparavant, il a été président et premier dirigeant de la Société d’assurance-dépôts du Canada (SADC).

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